Vous voulez ma définition du Growth Hacking ?
C’est de l’esbrouffe.
Voilà, fin de l’article.
OK c’est un peu court, j’en conviens. Si cette accroche vous semble un peu agacée, c’est parce que nous le sommes, en tant que professionnels du marketing digital et parce que nous nous sentons responsables de nos actes. Vous le savez si vous nous suivez, l’honnêteté, la vision longue et l’éthique font partie de notre ADN.
Alors quand on nous parle de Growth Hacking comme si c’était l’alpha et l’oméga du marketing digital, sans bien savoir ce que ça signifie, ça nous attriste un peu. Quand on voit des « professionnels » vendre du growth hacking sans détailler leurs actions « secrètes », ça nous révolte carrément.
D’où cette mise au point et une réponse un peu plus complète et éclairante (on l’espère) à la question qui vous préoccupe : comment faire du growth hacking ?
Le growth hacking, le remède miracle à tous vos problèmes
On voudrait tous être plus beaux, plus forts, plus intelligents. Il y en a même qui vendent des pilules miracle pour ça. C’est la même chose pour le growth hacking. C’est le terme derrière lequel on va trouver une solution idoine, en général pour pas cher.
Génial ! Mais quelle est-elle ?
Là, ça se corse. En fouillant dans les résultats de Google, vous allez trouver 10 astuces, 30 techniques, 20 modules, 7 méthodes, etc. en référence au growth hacking. Mais pas une seule méthodologie claire et applicable.
Comme si le growth hacking était le secret le mieux gardé de l’internet. Et pour cause, puisque ce n’est ni un outil, ni une méthode, ni une technique.
Mais nom d’un chien, qu’est-ce que c’est ?
Growth hacking, growth marketing : définition et exemples
Nous allons donc définir quelque chose qui n’existe pas. Oui, nous sommes capables de tout.
Quand on demande à nos interlocuteurs qui veulent du growth hacking ce qu’ils ont exactement en tête, on obtient toutes sortes de réponses, pas toujours très claires. On oscille entre « on pourrait faire du buzz » et « on va multiplier par dix le nombre de leads », en passant par « si on vendait tout via une boutique Instagram ? »
Oui certes, mais ça, ce sont des résultats attendus, pas des actions précises.
Voilà peut être la meilleure façon de définir ce qu’est le growth hacking : c’est un joli coup, une bonne stat’, parfois même une très bonne stat’, rendue possible par la mise en œuvre d’une technique de marketing digital.
Quelques exemples très concrets de trucs qui marchent vraiment :
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- Vous vendez un vêtement. Une star l’achète (car les stars s’habillent), se prend en photo et la partage sur Instagram. Vos ventes explosent : GROWTH HACKING ! Mais en réalité, on reste dans la logique du coup de bol : une technique basée sur l’aléatoire, et créatrice d’illusions auprès des suiveurs.
- Vous ouvrez un restaurant, vous menez une campagne avec des influenceurs que vous invitez en avant-première. It’s a match : leurs déclarations d’amour pour votre établissement sous forme de stories fait exploser les réservations. Growth Hacking again ! Mais en réalité, c’est surtout parce que votre cuisine est bonne que ça a marché. Ou alors parce que vous avez offert le repas. Et payer une agence, un free ou des RP. Ou que vous connaissez déjà tout le gratin parce que vous êtes déjà « dans la place ».
- Vous lancez une nouvelle application, l’annoncez à tout votre réseau LinkedIn et vous générez plein de téléchargements. Growth hacking ? Non : remerciez plutôt la qualité d’un réseau qui ne date probablement pas de la veille et qui vous fait confiance.
- Vous lancez une opération de crowdfunding et vous dépassez vos objectifs dès le 2e jour. Growth Hacking ? On vous laisse deviner… Non : il suffit de bien mener son étude de marché, d’avoir ses premières promesses avant le début de la campagne et de mettre un objectif en dessous de ces promesses.
Des exemples, il y en a pléthore. Mais ici on ne vous a donné que ceux qui ont fonctionné. Et pour cause : personne ne parlerait de growth hacking si ça n’avait pas été le cas.
On touche du doigt le cœur du sujet : ce qu’on appelle Growth Hacking, c’est un résultat exceptionnel à une démarche de marketing digital éprouvée. Ça tient du réseau, du coup de bol, du prix de l’agence RP, de la campagne de pub, mais PAS d’une technique spécifique qui n’appartiendrait qu’à quelques érudits.
Les vrais coûts du growth hacking
Nous venons d’expliquer que les techniques qui aboutissent parfois à obtenir de meilleurs résultats que d’habitude sont connues de tous les marketeurs, et pas seulement des growth hackers (ainsi autoproclamés).
Le growth hacker gaspille des ressources
Néanmoins, les marketeurs, c’est comme les chasseurs. Il y a ceux qui réfléchissent avant de tirer, et les autres. Dans la première catégorie, on va trouver des personnes qui prennent en compte un positionnement, une image, l’ADN de leur client et la volonté de mener des actions régénératives.
Dans la deuxième catégorie, nous allons retrouver des gens qui promettent des communautés Facebook qui poussent aussi vite que la mauvaise herbe, des taux d’engagement dignes d’une élection en Russie, qui suggèrent d’acheter des avis positifs (ou qui le font dans votre dos), ou notre préféré : « on pourrait aspirer tous les emails et envoyer notre catalogue ».
Le problème, c’est que le marketing digital, comme toute industrie qui se respecte, utilise des ressources qui ne sont pas infinies. Sauf qu’on le comprend assez bien quand on parle de lithium mais beaucoup moins quand on parle de données. Et pourtant, la qualité d’un outil destiné à faciliter les relations d’affaires dépend aussi de la façon dont on l’utilise.
Le jour où LinkedIn a laissé faire les robots
Voici un exemple parlant d’une ressource précieuse largement gaspillée : LinkedIn.
Pendant très longtemps, à une période que les jeunes diplômés n’ont pas connue, on échangeait de façon sincère, en one to one, avec nos interlocuteurs. De longues et qualitatives conversations, qui aboutissaient parfois à du business, puisque nous étions là pour ça.
Quand soudain sont apparus des outils de « scrapping », c’est à dire permettant de réaliser automatiquement une action de recherche d’information, et tout le monde s’est mis à aspirer les profils utilisateurs. Puis à automatiser des messages. Puis à récupérer l’adresse email et à envoyer directement des sollicitations. Le tout sans effort, juste en utilisant une appli.
Au début ça a marché car peu de personnes les utilisaient. Et puis ça s’est gâté. Il y a quelques années, des chefs d’entreprise (principalement) ont commencé à se plaindre de trop de sollicitations. Et ont donc cessé d’y répondre.
Ce fut donc l’escalade et la course à la personnalisation, pour se distinguer. Certaines personnalisations sont d’ailleurs plutôt sophistiquées, on est à la limite de croire que c’est un effort humain. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas, et c’est comme ça que par exemple j’ai reçu des messages de personnes que je connaissais personnellement mais qui s’adressaient à moi comme à des prospects, avec une connivence douteuse parfois. Et de façon répétitive ; puisque c’est automatisé pourquoi s’en priver ?!
Comment est-on arrivé à ce stade de déshumanisation des relations business ? Est-ce que nous devons accepter d’être contactés – par et traité comme – des robots parce que nous sommes dans le digital ? Nous pensons que non.
Le pire, c’est que ceux qui se plaignent d’être harcelés de messages inutiles sont parfois les mêmes qui mettent la pression à leurs commerciaux pour qu’ils fassent du social selling plus agressif. Et vice versa.
L’automatisation a du bon, si elle est utilisée de manière honnête et à bon escient, et surtout sans faire semblant d’être une action manuelle. Nous devrions d’ailleurs commencer nos messages automatiques en admettant et en précisant qu’ils le sont.
Le coût social du growth hacking
La plupart des gens l’ignorent, mais le marketing digital n’est pas l’industrie la moins critiquable en matière d’effondrement du droit du travail. Elle fait partie de ces secteurs où l’on trouve d’une part des salaires attractifs pour des emplois tertiaires confortable, et de l’autre côté du spectre des individus précaires qui, pour quelques centimes par jour, cliqueront volontiers sur votre publication Instagram pour lui donner du reach.
On appelle ça le « digital labor ». Des plateformes rémunèrent les internautes qui y ouvrent un compte à hauteur de 0,01$ le clic et promettent aux annonceurs 1000 clics pour 1$. Certaines agences n’hésitent pas à recourir à ces techniques très peu coûteuses pour gonfler leurs stats de campagnes sur les réseaux, par exemple. Les cliqueurs gagnent 5 centimes, ce qui leur permet « d’arrondir leurs fins de mois », comme le prétendent les plateformes.
Pour nous il ne s’agit pas simplement de triche, par ailleurs contre-productive dans une vision de long terme. Il s’agit d’un modèle social que nous ne souhaitons pas sur cette planète, et contre lequel nous ne transigerons pas. Acheter des fans, acheter des clics, chez la Team Web, c’est non.
De là à dire que les growth hackers dégradent tout sur leur passage (pour ne pas utiliser de gros mot) et courent vers la prochaine action à « hacker » tels des sauterelles qui dévastent champ après champ, il n’y a qu’un pas et on ne va pas se faire que des amis à le franchir.
C’est un peu le pire des portraits, et en réalité les marketeurs qui se prétendent growth hackers ne sont la plupart du temps rien d’autre que des utilisateurs d’outils – d’ailleurs pas gratuits – d’automatisation, ou des exploitants de personnes qui ont recours au digital labour pour survivre.
Rares sont ceux qui sont de vrais génies de créativité et qui œuvrent avec une vision holistique de leurs actions. On ne dit pas qu’ils n’existent pas, on dit seulement que s’ils arrivent à obtenir des performances exceptionnelles avec des techniques durables et dans le respect de l’ADN des clients, ils sont les bienvenus chez nous !
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