La communication pour le développement durable est en train de devenir un véritable exercice d’équilibriste. Il ne se passe pas une visite sur LinkedIn sans que je croise des individus s’écharper sur les actions des uns et des autres – ou leur inaction, d’ailleurs. Et gare à celui qui se mouille et communique sur ses efforts RSE, il y a de fortes chances qu’il se fasse taxer de greenwashing.
Il est normal donc que beaucoup de nos clients hésitent à dire tout ce qu’ils font pour être des acteurs économiques de plus en plus vertueux, pour réduire leur empreinte, voire pour avoir un impact positif mesurable. Notre rôle, c’est pourtant de les pousser à faire connaître ces actions. Parce que nous sommes convaincus que plus on diffusera d’exemples d’actions engagées, plus on inspirera d’entreprises. Et que c’est avec nos acteurs économiques que nous avons le pouvoir de changer les choses.
La communication sur le développement durable est un champ de bataille
Le moins que l’on puisse dire c’est que les sujets du développement durable font réagir, surtout (évidemment) sur les réseaux. Je suis abonnée à beaucoup de comptes et en contact avec beaucoup de personnes qui produisent et partagent des contenus sur le sujet. Sur LES sujets, devrais-je dire. Car outre les questions liées à l’environnement et l’écologie, vivre dans un monde soutenable passe aussi par la santé, les droits de l’homme – et de la femme, puisqu’il est aussi question d’égalité – l’éducation, etc. Ce qui en ressort, c’est qu’aujourd’hui, et sur les 17 ODD, toutes les déclarations et tous les points de vue se font attaquer.
À ma droite, Thomas Wagner, le sniper implacable de l’excellent média « Bon Pote », qui tire à balles réelles sur toute tentative de greenwashing.
À ma gauche (ça m’amuse de le placer là), Bruno Lemaire, qui déclare solennellement que l’entreprise qui ne fait pas sa transformation radicale en entreprise responsable est dead.
Au milieu, Le Monde, qui met en avant l’enquête historique sur la responsabilité des pétroliers dans le retard accumulé et l’urgence à laquelle nous faisons face aujourd’hui (on s’en doutait, mais là ce sont des preuves d’entrave qui ont été mise à jour).
Tandis que de l’autre côté de l’atlantique, certains vous proposent de vous former au « greentrolling ». Signe que communiquer sur un engagement écologique requiert sincérité, méthode et précision, tant les consommateurs en ont soupé des opérations de comm douteuses et autres discours grandiloquents de grands patrons s’étant soudainement découvert une fibre écolo.
Se croire durable sans l’être et être durable sans le savoir
Sur ce champ de bataille, on retrouve également, pêle-mêle, des entreprises qui tentent d’avancer dans le bon sens, chacune à leur niveau, parfois avec sincérité et maladresse, parfois avec de vraies solutions.
Dans les échanges que nous pouvons avoir ressort toujours cette crainte de s’attirer les foudres de ceux qui ne pensent pas pareil. Une entreprise qui réussit à décarboner complètement sa consommation d’électricité peut elle le clamer haut et fort ? A priori c’est plutôt bien pour le climat, mais en France notre mix énergétique est constitué à près de 70% de nucléaire. Alors à long terme et d’un point de vue écologique on peut s’interroger.
Dans un autre ordre d’idée, on découvre chez tel producteur de conserves vendues en supermarchés qu’il a développé depuis des années une filière de pêche responsable, en partenariat étroit avec des acteurs locaux et respectueux des ressources de la mer. Et il n’en a jamais parlé. Pourquoi ? Le dirigeant répond : « je ne sais pas, on a toujours fait comme ça, il faudrait le dire ? ».
La réponse est oui il faudrait le dire, haut et fort, plus haut et plus fort que ces mêmes supermarchés qui affichent des labels « pêche durable » sur les écailles de poissons provenant de milliers de kilomètres et côtoyant des crevettes en élevage intensif.
J’y vais mais j’ai peur (et d’ailleurs j’y vais pas, finalement)
Nos clients et bien d’autres sont nombreux à engager des actions qui participent à l’atteinte des objectifs de développement durable. Notre rôle est de les mettre en lumière, et c’est loin d’être évident. Être inattaquable ? On a renoncé. Il y a aujourd’hui très peu d’acteurs qui sont parfaitement exemplaires. En fait je n’en connais pas.
Toute communication qui va évoquer le développement durable s’expose aujourd’hui aux foudres des internautes sur les réseaux sociaux. Parfois c’est justifié, parfois ce sont juste des croyances qui s’expriment, telles que « oui mais les panneaux photovoltaïques c’est pas écolo » ou « les éoliennes ça tue des oiseaux » qui vont inévitablement truffer les commentaires. Il sera facile de répondre que les baies vitrées tuent plus que les éoliennes*, peu importe, les gens donnent leur avis mais le font rarement évoluer (même preuves à l’appui).
Bizarrement, j’observe un résultat : ce sont les entreprises les moins vertueuses qui crient le plus fort leur amour de la nature et de l’humain. Tel supermarché n’hésite pas une seconde à communiquer sur la dématérialisation des tickets de caisse (dont on peut discuter de l’impact réel), tandis qu’ils continuent à accueillir sur leurs parkings de toujours plus gros SUV et remplissent les coffres de fameux sodas au cola dont plus personne n’ignore les effets désastreux sur la nature et la santé. Et on pourrait citer beaucoup d’autres marques qui s’assoient sur la prise en compte de leur action globale au bénéfice d’une petite action inutile. Peut-on alors parler de communication responsable ?
Les questions de développement durable sont à traiter en communication dans leur globalité
Pendant ce temps, à l’agence, nous organisons des réunions pour savoir dans quelle mesure on peut traiter la question de l’approvisionnement en matières bio d’un client et du développement de filières équitables sans se faire allumer au premier post Twitter venu par les parangons de vertu qui vivent dans des fermes de permaculture mal isolées et chauffées au fioul. La phrase est longue et compliquée mais l’idée est de dire que personne aujourd’hui ne peut s’afficher zéro défaut.
Ce n’est pas une raison pour cultiver nos paradoxes, bien sûr. Les changements radicaux sont devenus indispensables et beaucoup en ont déjà pris conscience. Pour les autres, il est important que le message se diffuse, dans toutes les sphères. Au mieux ces actions auront été soigneusement réfléchies et mesurées et il sera alors facile de communiquer dessus, afin de prouver aux autres que c’est possible. Si beaucoup connaissent la démarche de l’entreprise Pocheco, c’est parce qu’ils ont largement exposé leur travail (dans Demain, notamment, mais pas seulement !) et ont communiqué dessus en toute sincérité.
D’un autre côté, Time for The Planet reçoit des messages de haters qui les accusent de ne faire que de la com et pas d’action concrète. Ce qui est faux évidemment, mais le fait est qu’ils communiquent beaucoup et c’est précisément là-dessus qu’ils se font attaquer.
Thomas Wagner, lui, doit rendre des comptes aux trolls sur le poids de ses posts LinkedIn dans les émissions de gaz à effet de serre et justifier des externalités positives de ses articles, chiffres à l’appui s’il vous plaît. Car le saviez-vous ? En France, nous comptons désormais, en plus des 60 millions de sélectionneurs et 60 millions d’épidémiologistes, au moins 60 millions de rapporteurs du GIEC. Dont – à la louche – un petit quart qui finance l’industrie du tabac*.
Dans les deux cas, on leur reproche de communiquer, alors qu’ils sont essentiels à la diffusion des informations qui peuvent peut-être encore éveiller les consciences et nous forcer à nous mettre en action.
MAIS ALORS QUE FAIRE ?
Il faut communiquer chaque action concrète allant dans le sens d’un développement durable. Je n’ai aucun doute là-dessus. Il faut en parler, répandre la nouvelle, faire boule de neige, inspirer, diffuser, infuser, convaincre…
Mais il y a un préalable : c’est la qualité de l’action elle-même. Si vous remplacez la viande rouge à la cantine de votre entreprise par des avocats du Pérou (même bio) ou des ananas arrivés du Togo en avion, effectivement ce n’est pas la peine de le dire. Mais en fait ce n’était pas la peine de le faire.
Autre piste : embarquer nos clients dans un « engagement » RSE, terme qui implique des objectifs à atteindre et des comptes à rendre. Et donc du concret à donner à voir au consommateur.
Cette analyse, c’est celle que nous essayons d’avoir systématiquement dans notre approche de la communication sur le développement durable. Une belle idée peut avoir de mauvaises conséquences, et savoir le décrypter peut aider à mieux s’emparer du sujet, quitte à le faire pivoter, pour pouvoir en faire un élément de communication qui aura, à son tour un impact positif.
*La mortalité aviaire due aux éoliennes est globalement faible par rapport aux autres activités et constructions humaines (véhicules, baies vitrées, lignes électriques …) (1). Elle est estimée entre 0 et 60 oiseaux par éolienne et par an en fonction de la configuration du parc éolien, du relief, de la densité des oiseaux qui fréquentent le site, de l’existence ou non de couloirs de migration, etc. (2)
**Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Environ 25% de la population adulte fume et la cigarette pollue plus que la viande rouge. https://www.generationsanstabac.org/actualites/impact-ecologique-la-cigarette-pollue-plus-que-la-viande-rouge/
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